
Le vignoble
L’histoire de la vigne
Le vignoble médiéval
Faute de documents écrits, il est difficile de dater précisément l’arrivée de la vigne à Guérard. Mais sa culture remonte sans doute aux VIe ou VIIe siècles, à l’époque où la christianisation du territoire s’intensifie.
Les habitants de Guérard dépendent alors des seigneurs de Crécy, qui perçoivent diverses redevances en nature (vin, fromages, céréales, chanvre…) qu’ils entreposent dans les caves de leur ferme, pour leur consommation mais aussi pour l’exportation vers Paris ou la Flandre, grands centres de consommation.
Aux XIe et XIIe siècles, période de prospérité, on peut sans peine imaginer les coteaux de Guérard recouverts de vignes.
Une archive remarquable en atteste : la charte de 1232 dans laquelle Hugues de Châtillon, comte de Crécy, et son épouse Marie d’Avesne officialisent un don de dix muids de vin (environ 2 800 litres) par un certain Jean de Reims et sa femme Agnès, à l’abbaye de Pont-aux-Dames. Ce don devait être versé annuellement, à perpétuité, sur les revenus qu’ils percevaient à Guérard.

Guérard, vignoble prospère
Grâce à la navigabilité du Grand Morin jusqu’à Tigeaux, port d’exportation stratégique, les tonneaux de vin sont acheminés vers Paris par voie fluviale. La capitale, grande amatrice de vin clair, devient ainsi un débouché privilégié.
Mais en 1577, un arrêt du parlement interdit aux taverniers parisiens d’acheter du vin à moins de 20 lieues (env. 88 km), pour garantir une certaine qualité. Guérard risque alors de perdre ce marché.
Heureusement, le port de Tigeaux dépend de la circonscription de Rozoy, exemptée de cette restriction. Les vignerons de Guérard peuvent donc continuer à approvisionner Paris en « petit vin blanc de la Brie ».
La vigne constituait alors la principale source de richesse du village. C’est grâce à cette prospérité viticole que l’on construit l’église Saint-Georges. Les feuilles de vigne sculptées sur les chapiteaux du portail et au pied des colonnettes, ainsi que la statue de saint Vincent, en sont les témoins.

Une commune de vignerons
Un recensement réalisé en 1784 dans la paroisse de Guérard révèle une population largement tournée vers la vigne. Sur 1 358 habitants, 860 vivaient dans une famille de vignerons, soit plus de 63 % de la population.
Dans les hameaux situés sur les coteaux du Grand Morin, cette proportion était encore plus frappante : 88 % de vignerons à Montbrieux, 86 % à Monthérand, 85 % à Genevray, 78 % au Grand-Lud, 75 % à Rouilly-le-Haut et 70 % au Charnoy.
Saint Vincent, patron des vignerons, était honoré chaque 22 janvier. Ce jour-là, après la messe, les vignerons défilaient en procession derrière la statue du saint, avec un plateau de brioches et de grappes de raisin conservées depuis les dernières vendanges. Tous portaient une feuille de vigne à la boutonnière, y compris le curé qui bénissait les brioches avant de les partager. La journée se poursuivait par un banquet, puis un bal réunissant toute la communauté.
Le déclin de la vigne
À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la viticulture entre en déclin. Plusieurs facteurs expliquent cette chute : une baisse de qualité des vins, la concurrence des vins du sud, facilités par l’arrivée du chemin de fer, celle de nouvelles boissons comme la bière ou le cidre, et l’attractivité croissante de la ville, qui pousse de nombreuses familles à quitter les campagnes.
Les maladies de la vigne (mildiou, oïdium, black-rot) fragilisent encore davantage les cultures. Le phylloxéra, redoutable insecte parasite arrivé en 1893, achève un vignoble déjà affaibli.

La renaissance du vignoble guérardais
Après plus d’un siècle d’oubli, la commune s’engage aujourd’hui dans une nouvelle ère viticole, avec la volonté affirmée de faire de cet héritage un atout pour son avenir.
Un renouveau amorcé au début des années 2000
C’est en 2003 qu’un passionné initie le mouvement, en replantant de la vigne sur les hauteurs du hameau du Charnoy. Depuis, le vin produit à Guérard bénéficie de l’IGP Île-de-France et même d’une dénomination géographique complémentaire (DGC) Guérard, reconnaissances de la qualité du terroir local.
Dans son sillage, de nouveaux projets viticoles voient le jour. Des habitants, entrepreneurs et amateurs éclairés entreprennent de replanter des vignes, convaincus du potentiel de ces terres autrefois cultivées. Le vignoble guérardais, disparu depuis plus d’un siècle, est en train de reprendre vie.
Une ambition collective
La commune soutient activement cette dynamique. En valorisant une partie de ses coteaux, elle souhaite reconnecter le village à son histoire et faire de la vigne un moteur de développement local. Ce projet s’inscrit dans une vision à long terme : relocalisation de l’agriculture, développement du tourisme vert, créations d’emplois, animations culturelles et pédagogiques…
Guérard entend ainsi jouer un rôle moteur au sein du futur Parc Naturel Régional Brie et Deux Morin, dont elle partage les valeurs : préservation des paysages, circuits courts, ancrage territorial fort. La vigne, hier symbole d’une ruralité florissante, devient aujourd’hui le fil conducteur d’un projet de territoire moderne et durable.